Les Femmes autochtones et nos revendications : de l’individu au collectif 

Après son divorce, Sandra Lovelace Nicholas est retournée avec son fils dans la réserve de Tobique, au Canada, d’où elle était originaire. Là, elle a appris qu’en raison de son mariage avec une personne non autochtone, elle et son fils avaient perdu leur appartenance au peuple malécite et, avec elle, leur accès au logement, à la santé et à l’éducation. Cela a conduit Lovelace Nicholas à entreprendre une bataille juridique qui, après de nombreuses années, a marqué un précédent dans la lutte pour les droits des Femmes autochtones. 

Notre identité est collective

L’identité autochtone, qui provient des communautés ou nations autochtones qui précèdent les États coloniaux, est pourtant actuellement niée par de nombreux États. Bien que la Déclaration des Nations Unies sur les droits des Peuples autochtones, approuvée en 2007, reconnaisse le droit à l’autodétermination, divers pays membres des Nations Unies n’ont pas actualisé leur constitution de manière à se conformer à la Déclaration. Cela se traduit par des situations d’exclusion et de discrimination; surtout contre les femmes, comme dans le cas de Sandra Lovelace Nicholas.

« Le droit à l’autodétermination est synonyme de décolonisation pour les Peuples autochtones. » Elsa Stamatopoulou, première directrice du Secrétariat de l’Instance permanente des Nations Unies sur les questions autochtones, explique que pour les Peuples et personnes autochtones, l’autodétermination est un droit fondamental qui représente un point de départ pour une réparation historique. 

L’autodétermination est l’un des trois piliers qui soutiennent la Déclaration des Nations Unies. Avec la reconnaissance de ce droit, nous réaffirmons notre identité en tant que Premières nations. Avoir une identité juridique en tant que Peuples autochtones nous permet de préserver nos systèmes de gouvernement, nos modes de vie ainsi que le principe du bien-vivre. Pour y arriver, nous faisons appel au cadre des droits de la personne. Les deux autres piliers ont à voir avec les droits fonciers et culturels.

Malheureusement, la non-reconnaissance du système de gouvernance autochtone est une forme de domination des États qui rend invisibles les Peuples autochtones. On le voit dans les « stratégies nationales de développement » basées sur l’extraction des ressources naturelles et l’exportation de celles-ci sous forme de matières premières. Ces stratégies ne tiennent pas compte du principe de la consultation préalable, libre et éclairée de nos communautés.

Le « développement » sert de prétexte pour mettre en œuvre des projets qui menacent notre santé et celle de l’environnement. Par exemple, l’extraction de pétrole dans le bassin inférieur de l’Amazone a provoqué des catastrophes naturelles incommensurables pour les communautés Pastaza, Corrientes, Tigre, Marañón et Nazarhed. Un seul baril de pétrole peut contaminer près de 80 millions de litres d’eau potable. En d’autres termes, c’est l’équivalent de 32 piscines olympiques d’eau polluée qui a coulé dans la rivière Utcubamba en raison d’un seul baril de pétrole. Cela empoisonne l’eau pour toutes les formes de vie qui habitent la rivière et ses berges.

Selon la cosmovision autochtone, le territoire est un organisme vivant qui est profondément lié à l’harmonie entre la communauté, la famille et les personnes. C’est pour cette raison que les personnes autochtones ne parlent pas de « développement », mais de Bien-vivre. C’est une manière de revendiquer nos savoirs ancestraux et nos principes éthiques afin de protéger nos vies. 

Selon Andrea Carmen (Yaqui), directrice générale internationale du Conseil des traités autochtones, les personnes autochtones sont porteuses de droits individuels pour le seul fait d’être des personnes humaines; mais les droits à l’autodétermination, à la terre et à la préservation de nos langues et de notre culture, pour leur part, sont des droits qui s’exercent collectivement. C’est pourquoi il est important pour les personnes autochtones de parler à la fois de droits individuels et collectifs, car notre identité est collective. 

Les droits individuels doivent également être respectés

La reconnaissance de nos droits collectifs en tant que Femmes autochtones doit s’accompagner du respect de nos droits individuels. La Déclaration des Nations Unies sur les droits des Peuples autochtones précise que ces peuples doivent respecter les droits humains des personnes autochtones qui les composent, c’est-à-dire que l’identité et les droits autochtones ne peuvent et ne doivent pas être imposés à une personne. De plus, les devoirs politiques qui reposent sur les personnes autochtones en vertu de leur système de gouvernance doivent être conformes aux normes internationales des droits de la personne.

En ce sens, les Femmes autochtones se sont prononcées contre la discrimination spécifique à laquelle nous sommes exposées à l’intérieur comme à l’extérieur de nos territoires. En fait, la Déclaration politique et plan d’action des Femmes autochtones dans le monde, adoptée lors de la Conférence internationale des Femmes autochtones, fait référence à l’accès limité que nous avons, nous et nos filles, à l’éducation et à la santé. Elle souligne également que nous sommes celles qui enregistrent les taux les plus élevés de pauvreté et de mortalité infantile et maternelle. Dans ce document, nous reconnaissons également que nous souffrons de différentes formes de violences, y compris la violence domestique et les abus sexuels, dans des contextes de traite, de conflits armés, de violence environnementale et politique, et des violences exercées par les industries extractives. 

Un cas qui illustre bien la triple discrimination est ce qui s’est passé dans les années 60 et 70 au Groenland. À cette époque, le gouvernement du Danemark a décidé d’implanter des dispositifs contraceptifs chez environ 4 500 Filles et Femmes autochtones, sans leur consentement, afin d’empêcher la croissance de la population autochtone inuite et de promouvoir la « modernisation » de l’île. Cette pratique est considérée comme une violation des droits fondamentaux des filles et des femmes qui, à son tour, a répercuté sur les Peuples autochtones inuits dans leur ensemble, puisqu’on estime que pendant cette période, les grossesses ont été réduites de moitié, de 1 674 en 1964 à 638 dix ans plus tard.

En tant que Femmes autochtones, nous sommes conscientes qu’au fil du temps, des tentatives ont été faites pour dominer nos peuples à travers nos corps. Pour cette raison, il est important pour nous et pour nos peuples de parvenir à la justice reproductive et que soit ainsi reconnu notre droit à décider si être mères ou non, et à élever nos filles et nos fils dans des environnements sûrs et sains.

La tête haute, les Femmes autochtones suivent le chemin tracé par Sandra Lovelace Nicholas il y a quarante ans déjà. Ensemble, nous combattons les violences faites à la terre, à la culture ancestrale et à nos corps; nous défendons nos droits, tant individuels que collectifs. 

Les Femmes autochtones discutent et élaborent des stratégies pour avancer la mise en œuvre de la RG39

17 avril 2023.- Lors d’un événement parallèle à la 22e session de l’Instance permanente des Nations Unies sur les questions autochtones (UNPFII) au siège des Nations Unies à New York, Indigenous Peoples Rights International (IPRI), le Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les Peuples autochtones, l’Inuit Circumpolar Council (ICC), The Christensen Fund, The Institute for the Study of Human Rights de l’Université Columbia, le Forum autochtone Abya Yala, et le Forum international des Femmes autochtones (FIMI) se sont réunis pour continuer à promouvoir la mise en œuvre de la Recommandation générale numéro 39 (RG39) de la CEDEF, une réalisation historique pour les Filles et les Femmes autochtones du monde entier, compte tenu des multiples formes de discrimination auxquelles nous sommes confrontées.

L’UNPFII est un organe consultatif qui promeut le respect et la pleine application de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des Peuples autochtones. En cette occasion, il a joué un rôle clé en tant que pont entre institutions internationales, les agences des Nations Unies et les organisations autochtones, afin de continuer à avancer dans la mise en œuvre de la RG39, un instrument relatif aux droits de la personne, juridiquement contraignant, qui tient compte des différentes dimensions de la discrimination subie par les Femmes autochtones, en tant que femmes et en tant que membres des Peuples autochtones.

En début de réunion, Joan Carling, militante Kankana-ey Igorot des Philippines et directrice générale de l’IPRI, a expliqué que la Recommandation porte sur les droits individuels et collectifs des Femmes autochtones, « en particulier sur les problèmes et les préoccupations des Femmes autochtones défenseures, et reconnaît les risques et les différentes formes d’agressions auxquelles elles s’exposent dans l’exercice de leurs activités de subsistance relatives à l’accès et au contrôle de leurs terres et ressources naturelles ». La mise en œuvre, a-t-elle ajouté, est importante en ce qu’elle appelle les États à garantir que les défenseures ne soient pas visées par des représailles ou criminalisées pour leur travail.

La présidente du FIMI, Tarcila Rivera Zea, femme quechua du Pérou, a assuré que l’implantation de la Recommandation implique de grands défis : « nous devons faire comprendre à nos propres organisations que la mise en œuvre ne profite pas seulement aux filles et aux femmes, mais que les Peuples autochtones doivent l’utiliser pour impulser une politique nationale au service direct des collectivités ».

Dans son discours, la leader Arhuaca Leonor Zalabata Torres, ambassadrice de Colombie auprès des Nations Unies, a affirmé que « la participation sociale aux décisions des États joue un rôle important pour la paix, le développement durable de la terre, et la fraternité et la solidarité des peuples ». La Recommandation numéro 39 de la CEDEF, a-t-elle ajouté, « nous permet de décider comment nous voulons vivre nos cultures, selon le principe du consensus et de manière cohérente avec nos réalités ». Les Femmes autochtones « ont joué un rôle important à cet égard parce que nous avons été en mesure de préserver la sagesse ancestrale et, avec elle, la permanence que nous avons en tant que Premières Nations ».

Gladys Acosta, ancienne présidente du comité de la CEDEF, a commenté qu’« à l’heure où les forces de la mort semblent vouloir s’imposer, la RG39 représente une vaste réflexion sur les forces de la vie et leur prévalence ». Ce que nous avons accompli avec la Recommandation, main dans la main avec les organisations et les Femmes autochtones, a-t-elle assuré, « c’est de recueillir respectueusement la vision du monde, la spiritualité des peuples et de reconnaître le lien profond entre leurs droits, les territoires et les ressources naturelles de la communautés ». La Recommandation générale numéro 39 « est un instrument de lutte », a-t-elle souligné.

En outre, « elle insiste sur l’obligation des États parties de garantir l’accès à l’éducation, à la santé et à la participation politique à l’intérieur comme à l’extérieur des communautés, et exhorte les États à prendre des mesures contre les violences de genre, y compris celles perpétrées par les forces publiques ou parapubliques », a-t-elle conclu.

Nukila Evanty, directrice générale du Women Working Group (WWG) et Rosalee González, coordinatrice de la région nord de l’Enlace Continental de Mujeres Indígenas de las Américas (ECMIA), ont convenu que le racisme structurel aggravé par la discrimination fondée sur le genre continue d’être un fait du quotidien pour les Filles et les Femmes autochtones du monde. La RG39 « répond à un appel permanent des Premières Nations à créer un instrument spécifique pour promouvoir et protéger nos droits, et représente une lutte croissante pour une plus grande inclusion tout en préservant l’identité culturelle de nos peuples », a déclaré González.

La Sous-Secrétaire générale des Nations Unies et Directrice exécutive adjointe d’ONU Femmes, Åsa Regnér, a reconnu la grande importance des alliances que les organisations et Femmes autochtones ont établies pour parvenir à cette recommandation stratégique, ajoutant qu’il était important de continuer, tous et toutes, à travailler à sa mise en œuvre. « Il est prouvé que les Filles et les Femmes autochtones sont trois fois plus susceptibles de subir des violences que celles qui ne sont pas autochtones. Des défenseures autochtones sont même tuées pour chercher à protéger les droits d’autres femmes, et ces attaques n’arrivent pas à la une des journaux. » Les actions que nous promouvons, a-t-elle ajouté, doivent contribuer à rendre visibles les violences réellement vécues.

Sara Olsvig, présidente internationale du Inuit Circumpolar Council (ICC), a évoqué la période où le gouvernement danois avait forcé l’implantation de contraceptifs sur les femmes dans le but de réduire le taux de natalité au Groenland. « Entre 1966 et 1975, quelque 4 500 filles et femmes inuites ont reçu un dispositif intra-utérin (DIU), souvent à leur insu », a-t-elle expliqué. Ce projet de planification familiale forcée a porté atteinte à la santé des femmes, qui ont pendant plusieurs années après souffert de douleurs, d’infections et de difficultés de grossesse. « La recommandation que nous avons entre les mains peut nous aider à faire en sorte que de si honteuses violations sur le corps de femmes ne se reproduisent plus jamais », a-t-elle déclaré.

Pour clore la rencontre, Puyr Tembé, présidente de la Federação Estadual dos Povos Indígenas do Pará (FEPIPA), a expliqué que l’organisation des Femmes autochtones au Brésil est relativement récente, mais que « nous avons réussi à renforcer et à multiplier nos voix en occupant des espaces institutionnels qui nous aident à créer des politiques publiques mieux alignées avec nos besoins et nos intérêts ».

« Au sein du gouvernement, nous avons fait des progrès significatifs pour la reconnaissance formelle de nos droits, et la Recommandation générale numéro 39 est un outil pertinent qui reconnaît les Femmes autochtones comme agents de changement, à l’intérieur comme à l’extérieur de nos communautés, et nous permet de jouir du plein exercice de nos droits politiques », a-t-elle conclu.

Les femmes inuites de l’Arctique conçoivent des stratégies de collaboration entre les organisations autochtones et l’ONU pour la mise en œuvre de la Recommandation générale n° 39 de la CEDEF

20 avril 2023.- Pour renforcer le mouvement des femmes inuites dans l’Arctique et maintenir un dialogue sur la mise en œuvre de la Recommandation générale numéro 39 (RG39) de la CEDEF, nous nous sommes réunies lors d’un événement parallèle à la 22e session de l’Instance permanente des Nations Unies sur les questions autochtones (UNPFII). L’événement, organisé par l’Inuit Circumpolar Council (ICC), la Mission permanente du Danemark à New York et le Forum international des Femmes autochtones (FIMI), avait pour but de promouvoir l’application de cet instrument international contraignant à travers lequel les États sont tenus de protéger les droits individuels et collectifs des Filles et des Femmes autochtones dans le monde.

Ouvrant le dialogue, Binota Moy Dhamai, président du Mécanisme d’experts sur les droits des Peuples autochtones (2022-2023), un organe subsidiaire du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, a expliqué que la RG39, adoptée grâce au travail acharné des mouvements de Femmes autochtones, reconnaît les voix des filles, des jeunes et des femmes en tant qu’agents de changement et leaders à l’intérieur comme à l’extérieur de leurs communautés.

« La Recommandation générale définit et adresse les différentes formes de discrimination intersectionnelle auxquelles elles sont confrontées, mais rend également obligatoire l’accès à la justice », a déclaré Moy Dhamai. « Elles ont travaillé d’arrache-pied pour les femmes et les filles inuites, afin que les actions du gouvernement danois pour implanter des dispositifs contraceptifs pour réduire le taux de natalité au Groenland, dans les années 1960 et 1970, ne se reproduisent plus », a-t-il déclaré.

Dans son discours, Tarcila Rivera Zea, présidente du FIMI, a donné une brève introduction à la RG39. Elle a rappelé que, depuis 30 ans, différentes organisations de Femmes autochtones se sont articulées en un réseau continental pour protéger leurs droits. « Nous avions de nombreux instruments internationaux qui travaillaient pour garantir l’égalité entre femmes et hommes, mais il manquait une pierre angulaire qui traiterait spécifiquement de la protection des droits des Filles et des Femmes autochtones », a-t-elle déclaré.

Rivera Zea a reconnu que la mise en œuvre de la RG39 représente un défi. « L’objectif de la Recommandation est d’orienter les États quant aux mesures législatives, politiques et autres mesures pertinentes à prendre pour garantir le respect de leurs obligations relatives aux droits des Filles et des Femmes autochtones. Nous devons renforcer la négociation entre les gouvernements nationaux et les acteurs internationaux. Il faut parler de la mise en œuvre pour que la recommandation se fraie un chemin de la scène internationale au niveau local, et ainsi combattre la corruption pour renforcer la protection des droits et l’accès à la justice », a-t-elle expliqué.

La présidente de Pauktuutit Inuit Women of Canada, Gerri Sharpe, s’est dite reconnaissante pour le dialogue qui s’est établi à partir de cette rencontre entre les représentants d’organisations internationales et les femmes inuites qui vivent dans les différentes régions arctiques de la planète.

« Nous nous engageons à faire en sorte que les droits humains et les priorités des femmes inuites soient équitablement inclus dans le Plan d’action sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des Peuples autochtones, que le gouvernement fédéral canadien élabore actuellement en partenariat avec des organisations autochtones », a déclaré Sharpe. La RG39 sera un excellent outil de travail collaboratif avec les différentes collectivités territoriales, a-t-elle ajouté.

Tove Søvndal Gant, membre de l’UNPFII, a reconnu qu’il existe des inégalités, des violences structurelles et des taux de corruption alarmants dans certains des pays qui ont ratifié leur participation aux programmes de protection des femmes. « La volonté politique des fonctionnaires de chaque pays sera essentielle pour adapter la Recommandation aux circonstances locales et éviter toute malhonnêteté qui pourrait mettre en péril sa pleine application », a-t-elle déclaré.

Elle a aussi ajouté que « les gouvernements du Danemark et du Groenland devraient renforcer leur coopération politique et veiller à ce que le document soit traduit dans les langues autochtones correspondantes, afin que les habitants puissent le comprendre ».

Enfin, parlant de comment concevoir des stratégies de collaboration entre les organisations autochtones et l’ONU pour favoriser la mise en œuvre de la RG39, Rosalee Gonzalez, co-coordonnatrice de la région nord de l’Enlace Continental de Mujeres Indígenas de las Américas (ECMIA), a expliqué que le plus important était de continuer à renforcer la participation politique et citoyenne des Femmes autochtones à l’Assemblée générale.

« Nous devons former des Femmes autochtones à l’ONU afin de devenir hautement qualifiées et ainsi nous assurer d’avoir des experts au Haut-Commissariat qui connaissent nos besoins et les enjeux qui nous touchent à l’intérieur comme à l’extérieur des territoires autochtones », a-t-elle déclaré. 

Les femmes leaders, a-t-elle ajouté, jouent un rôle très important dans le suivi et la supervision des actions prises par les gouvernements pour garantir une mise en œuvre efficace. En outre, ces femmes membres des organisations de la société civile peuvent présenter des rapports parallèles aux comités afin de mettre en lumière des lacunes et des défis à surmonter dans l’application de la Recommandation qui ne sont peut-être pas mentionnés dans les rapports officiels présentés par les États.

Les Femmes autochtones exigent une mise en œuvre effective de la Recommandation générale 39 de la CEDEF et l’avènement d’une ère numérique culturellement pertinente où l’égalité des genres est une réalité

Le 6 mars 2023 – Afin de garantir que les principes d’inclusion et d’intersectionnalité guident l’innovation technologique et de réduire la discrimination et les inégalités de genre, le Forum international des Femmes autochtones (FIMI) a organisé une réunion de coordination des Femmes autochtones en parallèle à la 67e séance de la Commission de la condition de la femme (CSW67) de l’ONU.

La CSW67 est le principal organe international consacré exclusivement à la promotion de l’égalité des genres et à l’élaboration de normes internationales qui favorisent le renforcement du pouvoir des femmes. Cette année, elle sera également un espace fondamental pour amplifier nos voix et notre lutte pour la mise en œuvre effective de la Recommandation générale numéro 39 (RG39) de la CEDEF, un instrument international contraignant pour la protection des droits individuels et collectifs des Femmes et Filles autochtones à travers le monde.

Lors de l’événement, des femmes leaders de différentes régions se sont réunies pour réfléchir à nos objectifs, réalisations, lacunes et défis en matière de promotion et de protection de nos droits. Nous avons discuté de l’obligation assumée par les États parties d’élaborer et de mettre en œuvre des politiques intégrales qui protègent de manière effective les droits et les principes d’égalité substantielle et de non-discrimination. Nous avons convenu de l’importance cruciale de la participation des Femmes et Filles autochtones à la construction d’une ère numérique pouvant réduire les écarts de genre et favoriser des écosystèmes d’innovation technologique inclusifs pour l’élimination des violences.

La réunion a commencé par une cérémonie spirituelle dirigée par Malia Nobrega-Olivera, Femme autochtone de la vallée de Hanapēpē, Kona, Kaua’i à Hawaï, directrice des partenariats stratégiques et de la participation communautaire de l’École des connaissances hawaïennes, ainsi que du programme Loli Aniau, Makaala Aniau (LAMA).

Dans son allocution, Tarcila Rivera Zea, femme Quechua du Pérou et présidente du FIMI, a prononcé de chaleureuses paroles de bienvenue et a rappelé que le Forum international des Femmes autochtones, composé d’organisations de sept régions socioculturelles, avait ses origines dans les réunions tenues en 1995 lors de la signature de la Déclaration de Beijing des Femmes autochtones, qui « jetait les bases de nos revendications en tant qu’autochtones et en tant que femmes ».

Aujourd’hui, près de 30 ans plus tard, les articles avec lesquels nous avions alors « défini nos droits et nos positions en tant que Femmes autochtones sont plus pertinents que jamais pour récupérer, partager, réfléchir et continuer à projeter nos aspirations sur la scène internationale », a souligné Tarcila Rivera Zea.

Dans une vidéo diffusée lors de l’événement, Lucy Mulenkei, femme Masai du Kenya, cofondatrice et vice-présidente du FIMI, a déclaré que l’importance de la réunion résidait dans le fait que « nous écouterons des voix diverses qui nourriront notre expérience de travail sur des questions qui ont un impact sur les Femmes autochtones et les Peuples autochtones en général ».

Teresa Zapeta Mendoza, Maya K’iche du Guatemala et directrice du FIMI, a reconnu l’importance des alliances stratégiques qui se sont formées au fil du temps pour atteindre des objectifs historiques communs entre Femmes autochtones de différentes régions, malgré les violences et les inégalités. « Cette année, en plus de réfléchir ensemble aux défis que nous rencontrons en cette ère numérique pour parvenir à l’égalité des genres et au renforcement du pouvoir de toutes les femmes et filles, nous célébrons également l’approbation de la RG39, qui nous sert de pont pour garantir nos droits ».

« La Recommandation générale représente un événement historique qui ne favorise pas seulement les Femmes et Filles autochtones, mais aussi les droits fondamentaux des Peuples autochtones du monde entier », a-t-elle insisté.

Les participantes ont reconnu que les gouvernements doivent assumer leurs responsabilités et engagements dans la lutte contre les violences, formulant certaines demandes et actions à prendre pour avancer avec la société civile et d’autres acteurs clés dans la mise en place de solutions technologiques pour l’autonomisation et la transformation des rôles et des normes sociales traditionnelles : promouvoir l’accès des Femmes autochtones aux technologies numériques dans les zones rurales et non rurales pour réduire les inégalités; renforcer, grâce à l’éducation numérique, notre identité en tant que femmes appartenant à des Peuples autochtones; éliminer les inégalités technologiques pour garantir les droits des Femmes et Filles autochtones handicapées en leur permettant de connaître les instruments internationaux qui les protègent; comprendre que l’installation d’une infrastructure numérique, en particulier en milieu rural, n’est pas la solution pour assurer la connectivité de toutes, car il est nécessaire de comprendre les autres obstacles qui limitent l’utilisation des technologies par les femmes et de générer des stratégies d’adoption et d’utilisation à proximité des utilisatrices et de leurs communautés; générer et promouvoir l’accès à l’information sur la violence numérique ou les crimes cybernétiques contre les jeunes et les Femmes autochtones.

Enfin, Teresa a réitéré que l’articulation des femmes a été fondamentale pour l’adoption de la Recommandation générale 39 de la CEDEF, assurant qu’il s’agit d’une occasion unique d’intégrer les priorités collectives, la vision du monde, les expériences et les leçons partagées par les Femmes autochtones afin de générer un changement réel et garantir la préservation de nos différentes cultures et de nos identités individuelles et collectives.

Les Femmes autochtones ouvrent un dialogue stratégique à la CSW67 entreles parties prenantes, les mécanismes des Nations Unies et la communauté debailleurs de fonds pour assurer une mise en œuvre effective de la RG39 de laCEDEF

10 mars 2023 – Dans le but de renforcer le mouvement des Femmes autochtones et de convenir d’un programme de plaidoyer international entre les parties prenantes, les États membres, les personnes alliées et les mécanismes des Nations Unies pour la mise en œuvre effective de la Recommandation générale 39 (RG39) de la CEDEF, qui protège les droits individuels et collectifs des Filles et des Femmes autochtones, le Forum international des Femmes autochtones (FIMI) et la branche des Peuples autochtones et du développement du Secrétariat de l’Instance permanente sur les questions autochtones (IPDB/SPFII) ont tenu un dialogue stratégique afin d’élargir la diffusion de la recommandation et de définir et accélérer les prochaines étapes pour assurer son application dans le monde entier.

L’événement, organisé dans le cadre de la 67e séance de la Commission de la condition de la femme (CSW67) de l’ONU, a réuni des dirigeantes autochtones de réseaux régionaux d’Asie, d’Afrique, des Amériques, de l’Arctique et du Pacifique, des délégations gouvernementales et des bailleurs de fonds dans le but de discuter des progrès et des lacunes dans la mise en œuvre de la RG39, et de tout ce que celle-ci représente pour contrer toutes les formes de discrimination contre les Femmes et les Filles autochtones.

Pour marquer le début de la rencontre, Tarcila Rivera Zea, Quechua du Pérou et présidente du FIMI, a affirmé que le principal défi pour la mise en œuvre de la Recommandation était de faire en sorte que les États membres créent des politiques publiques qui contribuent au renforcement du pouvoir individuel et collectif des Femmes et Filles autochtones partout dans le monde. « La mise en œuvre ne sera pas facile. Nous avons mené un travail acharné ancré dans la solidarité aux niveaux local, régional et international, touchant l’esprit et le cœur des décideurs clés pour parvenir à protéger les droits des femmes et des filles », a-t-elle déclaré.

La sénatrice Malarndirri McCarthy, vice-ministre de la Santé autochtone dans le Territoire du Nord de l’Australie, a admis avoir vécu les violences de première main en tant que femme. « Les Peuples autochtones, et en particulier les femmes, doivent être inclus à tous les niveaux du processus décisionnel afin d’y intégrer leurs forces, leurs connaissances et leurs identités culturelles. »

Elle a expliqué qu’en Australie, la mise en œuvre de la RG39 se fera « à travers la création d’un organe consultatif permanent, qui conseillera le Parlement sur les questions impactant ce secteur. Nous travaillerons en partenariat avec les acteurs politiques et la communauté de bailleurs de fonds pour atteindre les objectifs

économiques, sociaux et de réformes prioritaires dans le cadre de notre accord national visant à combler les écarts. Les autorités sont déterminées à faire en sorte que le Parlement australien travaille avec les peuples des Premières nations pour améliorer leurs conditions de vie », a-t-elle déclaré.

Haley Bathern, une jeune Aṉangu d’Australie, enseignante dans une école locale de Filles autochtones, a fait l’éloge de ce dialogue en disant : « Il n’y a pas de meilleur endroit pour promouvoir la mise en œuvre de la RG39, qui servira à maintenir le lien avec nos connaissances ancestrales, à travailler pour la reconnaissance de nos droits, et à bâtir des espaces où les jeunes femmes se sentent acceptées tout en devenant économiquement indépendantes et en parvenant à générer des changements au sein de leurs communautés ».

Participant à l’événement à distance, Leticia Bonifaz, experte du Comité des Nations Unies pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDEF), a souligné lors de la réunion qu’« il n’est pas possible d’imaginer un monde qui ne reconnaîtrait pas les usages ancestraux et les visions du monde des communautés et Peuples autochtones ». D’après elle, en ce sens, la Recommandation est un document historique qui a été construit à partir de discussions avec des Femmes autochtones de différentes parties du monde, qui se sont penchées sur des questions fondamentales telles que l’éducation, la santé, le travail et le renforcement du pouvoir économique, le tout avec une approche transversale qui intègre les voix des femmes handicapées, LGBTI+, migrantes ou privées de liberté sans connaître leurs droits. 

D’après Leticia Bonifaz, le plus important sera de diffuser le contenu de la Recommandation et que les États parties, à travers leurs instances gouvernementales, créent des politiques publiques pour générer des changements positifs en ce qui concerne les inégalités et le manque d’accès à la justice.

Beatrice Duncan, conseillère en matière d’état de droit et personne-ressource sur les questions autochtones à ONU Femmes, a expliqué que suivant l’adoption de la RG39, tous les États membres doivent soumettre un rapport dans les quatre ans pour que le comité examine la portée de la recommandation dans le quotidien des Femmes autochtones. 

Ces rapports devront inclure la description des mesures adoptées, et le Comité pourra exiger des renseignements supplémentaires tant qu’il le jugera nécessaire afin de savoir comment les droits garantis dans la Recommandation sont respectés, ainsi que pour connaître les stratégies de collaboration avec les organisations de Femmes autochtones mises en place au niveau national.

Mariam Bouraima, de la communauté peule du Bénin et membre de l’Organisation africaine des Femmes autochtones (OAFA), a réaffirmé que « les États membres doivent prendre des mesures pour mettre fin aux discriminations et, à travers l’application de la RG39, impliquer les femmes dans les espaces décisionnels. Elles doivent participer directement à la vie politique de leurs communautés pour prévenir et éradiquer les violences. »

Parlant des possibilités de collaboration entre la Fondation Ford et les mouvements de Femmes autochtones pour promouvoir la mise en œuvre de la Recommandation, Mónica Alemán, directrice du Programme international pour la justice de genre, raciale et ethnique, a souligné qu’afin de mettre en œuvre la RG39, la Fondation Ford « affectera de plus en plus de ressources » aux organisations de Femmes autochtones et à d’autres groupes afin que les réglementations internationales puissent passer des rêves aux réalités locales. « Il est important de lancer et de maintenir un dialogue ouvert et permanent avec le Forum international des Femmes autochtones, de manière à pouvoir identifier de nouveaux partenaires pour l’allocation de ressources financières. »

Elle a ajouté que « l’une des décisions que nous avons prises est celle de soutenir politiquement les mouvements de Femmes autochtones que nous soutenons financièrement ». Cela ouvre aux organisations qui reçoivent déjà un soutien de la fondation une belle occasion de co-participer activement aux processus de dialogue et de déterminer quelle direction prendre avec leurs partenaires ou autres bailleurs de fonds. 

Pour sa part, Erika Unnis, du Forum des femmes Saami, a souligné que malgré la prolifération d’engagements internationaux antérieurs visant à protéger les droits des Peuples autochtones en général, et des Femmes autochtones en particulier, il reste encore des vides réglementaires qui rendent difficile pour ces femmes l’accès à la sécurité alimentaire, aux ressources naturelles de leurs communautés et à leurs identités culturelles, ce qui se manifeste par une dépossession systématique de leurs langues, terres, territoires et ressources naturelles. Cependant, la RG39 représente « un nouveau point de départ pour que toutes les femmes qui se battent pour la défense de ces droits, qu’elles vivent dans des espaces ruraux ou non ruraux, soient au fait des ressources juridiques et administratives dont elles disposent ».

D’après Eleanor Dictaan-Bang-oa, femme Kankanaey Igorot des Philippines, du Réseau des Femmes autochtones d’Asie (AIWN), la Recommandation apporte d’importantes réflexions sur l’égalité et la non-discrimination, avec une approche intersectionnelle aux formes de discrimination. « En tant que Filles et Femmes autochtones, nous subissons des formes de violences croisées qui sont intégrées dans les structures des États colonisateurs, affectant systématiquement notre capacité d’exercer nos droits individuels et collectifs », a-t-elle souligné.

Patricia Torres Sandoval, leader Purhépecha du Mexique et fondatrice de la Coordonnatrice nationale des Femmes autochtones (CONAMI-Mexico), a insisté que pour assurer une mise en œuvre efficace et effective de la Recommandation, « une volonté politique et une allocation adéquate de ressources de la part des États et de la communauté de bailleurs de fonds sont particulièrement cruciales pour la construction collaborative de programmes et de politiques répondant aux besoins des Filles et des Femmes autochtones du monde entier ».

Nadine Gasman, présidente de l’Institut national de la femme (INMUJERES), a reconnu que le plus grand défi des différents gouvernements sera de garantir l’accessibilité de la RG39 dans les langues des peuples afin de la faire connaître au sein des communautés pour que plus de femmes puissent s’approprier de cet outil de protection des droits, et ce dès l’enfance.

« L’appropriation institutionnelle de la recommandation à tous les niveaux – fédéral, local, municipal et étatique – est un élément clé pour parvenir à son application effective. Depuis INMUJERES, nous allons soutenir cet effort pour continuer à assurer la pleine participation des Femmes et des Filles autochtones comme protagonistes, tant au sein de leurs communautés qu’à l’extérieur ». 

Enfin, Gladys Acosta, ancienne présidente du Comité de la CEDEF, a souligné que ce dialogue stratégique démontrait l’énorme potentiel de la recommandation en soi, en précisant que « les États membres auront la plus grande part de responsabilité pour diffuser la RG39 dans toutes les langues et à travers tous les canaux ». De plus, elle a déclaré que l’adoption de cet instrument international devait se faire de manière collaborative et coordonnée par les organisations de femmes, les institutions et les acteurs politiques clés ».

L’adoption de la Recommandation 39 du CEDAW, un bastion dans la promotion des droits humains des femmes autochtones.

Avec la conviction qu’un travail coordonné aux niveaux local, régional, national et international sera la clé de la mise en œuvre de la Recommandation 39 du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) sur les Femmes et les Filles autochtones. Dans ce cadre, un panel de discussion a été organisé par le Forum international des Femmes autochtones (FIMI), MADRE et Indigenous Peoples Rights International (IPRI) et les réseaux régionaux de Femmes autochtones.

Teresa Zapeta, directrice générale du FIMI, a fait remarquer que des générations entières de Femmes autochtones ont participé activement, du local au mondial. Cela a conduit à l’adoption de la Recommandation générale 39.

En introduisant la cérémonie de bienvenue, Mme Zapeta a offert la lumière sacrée pour tous nos ancêtres : « principalement à toutes les Filles et Femmes autochtones qui ont offert leur vie pour tracer ce chemin. Nous honorons leur  parcours et leur existence. »

Tarcila Rivera Zea, éminente militante quechua et coordonnatrice du Réseau continental des Femmes autochtones des Amériques, en plus d’être Présidente de Chirapaq et du FIMI, a mentionné la coordination et le travail conjoint pour atteindre des objectifs communs comme des actions importantes.

Elle a noté que le processus remonte à 40 ans, en rappelant la recommandation de l’Instance permanente des Nations unies sur les questions autochtones (IPQA – UNPFII) en 2004. Cette recommandation demanda au Comité CEDAW d’inclure les femmes autochtones dans leurs particularités, et fut réitéré en 2019. De plus, Mme Rivera Zea a considéré que le plus important est que toutes les femmes du monde en fassent et se sentent partie prenante. 

« Il est important qu’ensemble nous célébrions l’approbation de cette Recommandation générale, laissant le grand défi de sa mise en œuvre dans le scénario national ».

Joan Carling, militante autochtone de la Cordillera aux Philippines et directrice générale de l’IPRI, a noté qu’il a fallu plus de 15 ans au CEDAW pour discuter d’une recommandation sur les droits des Femmes et des Filles autochtones. Elle a souligné que la participation des femmes des sept régions du monde au processus démontre la nécessité d’une reconnaissance de leurs droits individuels et collectifs et que ceux-ci sont indivisibles. Elle a également souligné que la Recommandation 39 devrait inclure des mécanismes de responsabilisation pour les violations des droits de l’homme.

« Le travail du CEDAW a été fondamental pour comprendre la non-discrimination des Femmes et des Filles autochtones. Pour sa part, la Recommandation 39 est un jalon pour comprendre les obligations des États dans la protection effective, le caractère intersectionnel et la reconnaissance des Femmes autochtones dans toute leur diversité », a souligné Mme Leonor Zalabata, membre du Peuple Arhuaco de Colombie et première ambassadrice autochtone auprès des Nations Unies (ONU). 

Mme Zalabata a également parlé de la valeur du respect du droit au consentement préalable, libre et éclairé dans les politiques liées à l’environnement. Elle s’est félicitée du fait que dans le processus d’adoption de la recommandation, les Femmes et les Filles autochtones soient reconnues comme des leaders et des agentes de transformation qui ont le droit d’être entendues. Elle a souligné que le processus est le résultat du travail des organisations de femmes « liées à la terre et aux besoins de nos peuples ».

Margaretha Karlberg Uttjek, universitaire sami, a convenu de la nécessité de mettre en œuvre les droits des Femmes et des Filles autochtones aux niveaux local, régional et national, en mettant l’accent sur les droits collectifs. Mme Karlberg a évoqué la nécessité de prendre en compte le consentement préalable, libre et éclairé dans la Recommandation 39. Elle a noté l’importance d’inclure des perspectives intersectionnelles, d’intégrer des histoires et des expériences dans la recommandation, ainsi que dans sa mise en œuvre à tous les niveaux. Malgré le fait que dans les sociétés coloniales les savoirs ancestraux sont discrédités.

La Recommandation 39 est également un instrument pour éduquer le reste de la population, a déclaré Lucy Mulenkei, vice-présidente du FIMI, fondatrice et cofondatrice de divers réseaux autochtones. La discrimination subie dans les communautés autochtones provient de distincts fronts et a des impacts différents. 

Mme Mulenkei a souligné l’importance de poursuivre le débat et la promotion des droits des Femmes et des Filles autochtones. Elle a appelé à l’utilisation de la Recommandation 39 comme un outil qui doit être compris par les communautés autochtones. Elle a également mentionné sa valeur en tant qu’instrument d’inclusion des Femmes autochtones dans les espaces décisionnels tels que les Nations Unies et le secteur privé. « Souvent, quand ils nous regardent, ils pensent que nous n’avons pas les compétences, mais si, nous en avons. En tant que femmes autochtones, nous allons plus loin et nous devons travailler ensemble », a-t-elle affirmé. 

Sonia Gutiérrez, avocate guatémaltèque, politicienne et défenseure des droits humains autochtones, a souligné l’importance de la Recommandation 39 en tant qu’instrument global pour faire progresser les droits, et a souligné qu’il s’agissait d’un outil spécifique des Femmes et des Filles autochtones. 

Pour une mise en œuvre efficace, Mme Gutiérrez a recommandé : de tenir compte du fait qu’il s’agit d’un bastion, d’un outil spécifique dans la promotion des droits humains en tant que Femmes et Filles autochtones ; que nous devons nous approprier cet outil construit à partir des femmes ; qu’une plus grande articulation devra être atteinte vers un plan d’action permettant la mise en œuvre des actions ; et que l’outil est aussi une source d’inspiration pour renforcer notre travail et revendiquer nos droits.

Les expertes ont appelé toutes les Femmes et Filles autochtones à être attentives aux processus de mise en œuvre de la Recommandation 39, qui fut approuvée le 26 octobre 2022. Elles les ont également invités à participer avec espoir et force à la coordination qui s’établit pour la pleine réalisation de leurs droits humains.

*Pour plus d’informations sur la Recommandation générale 39, visitez : https://cedaw.fimi-iiwf.org. 

https://www.ohchr.org/en/documents/general-comments-and-recommendations/general-recommendation-no39-2022-rights-indigeneous

De leur terre à leur propre corps : les différentes formes de violence et de discrimination subies par les Femmes autochtones

Les Femmes autochtones sont confrontées à différentes formes de violence issues de la spoliation et de la dégradation du tissu social de leurs communautés. La solution apportée par la Recommandation générale de la CEDEF (CEDAW en anglais) sur les droits des Femmes et des Filles autochtones a un caractère global, transversal et intersectionnel.

Dix années ont été nécessaires à Helena Steenkamp pour trouver le courage de reconnaître qu’elle avait été victime d’un viol au sein de sa communauté. Son agresseur venait de l’extérieur de la communauté pour travailler, et il a fallu six ans avant qu’il ne soit poursuivi en justice. Dans la communauté autochtone ‡Khomani San, qui vit sur les terres désertiques du Kalahari, à la frontière entre l’Afrique du Sud et le Botswana, la situation d’Helena n’est pas une exception mais la règle. La dégradation du tissu social, générée par des expulsions récurrentes et des années de spoliation des terres ancestrales, donne lieu à un contexte violent dont les Femmes et les Filles autochtones font les frais dans leur propre chair. Les femmes San subissent différentes formes de discrimination et de violence au sein et en dehors de leurs communautés, exercées par des hommes qui souhaitent les priver de voix et de pouvoir. Mais face à des agresseurs omniprésents jusque chez elle, comment une femme peut-elle se protéger ?

Au sein de la communauté, ce sont la peur de reconnaître publiquement d’avoir été abusée sexuellement et la crainte de perdre la sécurité alimentaire assurée par le mari qui empêchent les femmes de dénoncer les affaires aux autorités. « Pour pouvoir aborder ce sujet, un processus d’introspection s’impose, et il est nécessaire de s’armer de courage », indique Helena. « Cela m’a pris beaucoup de temps de redevenir moi-même et de prendre confiance en moi », ajoute-t-elle. Elle a réussi à surmonter ce traumatisme en puisant ses forces dans la volonté d’éveiller sa communauté et de s’imposer dans un espace dominé par les hommes. « Si nous, les femmes, ne prenons aucune initiative, les choses ne changeront pas d’un pouce », conclut-elle.

La Recommandation générale de la CEDEF sur les droits des Femmes et des Filles autochtones garantit un cadre légal dont on peut se saisir face à l’inaction des États, ainsi qu’observé en Afrique du Sud. Néanmoins, Helena Steenkamp reconnaît que, dans un premier temps, les femmes doivent devenir plus autonomes, connaître leurs droits et apprendre à se servir de ces instruments internationaux pour susciter un changement réel, qui mette fin à la discrimination et aux violences exercées à l’encontre des Femmes autochtones.

Le peuple San : une histoire de spoliation territoriale et culturelle

Le peuple San, dont fait partie Helena, provient des communautés ancestrales de chasseurs-cueilleurs réputées pour avoir été les premières à s’établir à la pointe du continent africain, également connues sous le nom de Bushmen (hommes des arbustes). En raison de la migration d’autres peuples tels que les Khoïkhoï ou les Bantou, le peuple San a été repoussé vers des contrées plus reculées et désertiques, bien que cette situation ait donné lieu à certains mélanges entre ces différentes communautés.

La colonisation a engendré la spoliation des terres qui abritaient le peuple San et le pillage des ressources naturelles qui assuraient leur subsistance. Cette situation a aiguisé la concurrence et les rivalités au sein même des communautés autochtones, faisant ainsi voler en éclat le tissu social qui liait le peuple San, ses modes de vie et son identité culturelle. Seule une poignée de communautés ont survécu, et le peuple San a failli ne pas en réchapper.

Les violences sont le fruit des blessures du passé

De nos jours, les communautés San ont perdu leur nom d’origine et il ne reste plus que cinq individus à parler la langue de leurs ancêtres, le N|u. Helena Steenkamp est allée à leur rencontre à l’occasion de la réalisation du documentaire Lost Tongues (Langues perdues). En 1999, les ‡Khomani San sont parvenus à récupérer une partie du territoire dont ils avaient été privés, après un long combat et grâce au nouveau cadre juridique établi par le gouvernement de l’après-apartheid. Néanmoins, la restitution de ce territoire n’a pas donné lieu au changement que chacun espérait.

« Dans un premier temps, nous étions tous heureux d’avoir récupéré notre terre ancestrale. Pour ma part, j’ai quitté mon travail au Cap pour venir m’installer ici, à Andriesvale, avec l’ambition de faire bouger les choses au sein de ma communauté. Mais au cours des 10 dernières années, tout est allé de mal en pis. Dénués de connaissances en matière agricole, nous n’avons pas su travailler la terre », raconte Helena. En raison du fort taux de chômage, du faible niveau d’éducation et de l’incapacité à générer de nouvelles activités économiques, de nombreuses personnes ont sombré dans l’alcoolisme ou la toxicomanie. Certains vont même jusqu’à évoquer l’apartheid comme une période faste durant laquelle il y avait du travail dans les exploitations des blancs et durant laquelle les parents pouvaient emmener leurs enfants à l’école.

Helena a grandi dans un milieu où ses parents se disputaient sans cesse, où la consommation de drogues et d’alcool était très importante et où ses amies connaissaient des grossesses précoces. Ce cycle de la violence s’est perpétué pendant des générations. Afin de tenter d’inverser cette tendance décourageante, Helena et d’autres membres de sa communauté ont réalisé un projet visuel dont le but est de démonter la vision paternaliste et colonialiste que le monde a des communautés autochtones. Conseillée par le Market Photo Workshop, elle a brossé le portrait de jeunes femmes enceintes. « Les filles et les mères ont eu des réactions très positives ; je ne m’y attendais pas. Notre communauté est toujours perçue depuis l’extérieur. Nous recevons en permanence la visite de personnes venues faire des recherches sur nous et nous photographier. C’est la première fois que le récit provenait de l’intérieur de notre communauté », explique-t-elle.

La représentation des communautés autochtones en tant que forme de violence

La dépossession d’identité dont ont été victimes les communautés autochtones s’est traditionnellement accompagnée d’images les diabolisant, les déshumanisant ou les rendant exotiques. Les femmes d’origine caribéenne sont certainement les corps féminins les plus sexualisés de l’histoire. De nos jours, des pays catholiques — héritage du colonialisme missionnaire — interdisent aux femmes de recourir à l’avortement même en cas de malformation ou de risque pour la santé de la mère ; tandis que les chansons les plus en vogue à la radio tendent à chosifier et à sexualiser les femmes.

« L’hypersexualisation de la femme Taïna est une insulte et une menace faite à nos vies », déclare avec fermeté Tai Pelli, dirigeante autochtone de Taïno de Borikén, qui correspond au nom originel de Porto Rico. « Ils s’emparent de symboles que nous considérons sacrés et ils les détournent de façon vulgaire en véhiculant le même sempiternel message qui assimile les femmes caribéennes à des objets de plaisir dont on peut abuser », dénonce-t-elle avec une détermination intraitable.

La colonisation a mis fin à la structure matrilinéaire des peuples Taïno qui octroyait aux femmes une position respectable et l’égalité entre les sexes. « Désormais, les femmes s’inscrivent de nouveau dans cette direction”, ajoute Tai, en évoquant les tribunes qui voient progressivement le jour à l’échelle mondiale pour promouvoir l’égalité des sexes. « Pour y parvenir, nous devons faire entendre nos voix, renouer avec nos racines et valeurs autochtones et fonder un modèle qui rendra celui-ci obsolète », conclut-elle.

Une violence transversale

Contrairement au peuple San, les communautés Taïna, disséminées à travers les grandes et les petites Antilles, n’ont pas récupéré les terres et territoires dont elles avaient été dépossédées par des États impérialistes. Porto Rico constitue l’un des exemples les plus emblématiques puisqu’il demeure encore un « État libre associé » dépendant des États-Unis. « Nous sommes le peuple qui a la plus longue expérience de colonisation, mais nous n’avons pas perdu pour autant notre lien avec la terre », informe Tai.
Certains disent que les Peuples autochtones ne sont personne sans terre. S’il est indéniable que la terre est le fondement de l’identité autochtone – et que les expropriations dont sont victimes les Peuples autochtones engendrent une infinité de violences qui touchent de plein fouet les Femmes et les Filles autochtones –, Tai Pelli défend l’identité et l’organisation communautaire même lorsque les communautés ne disposent plus de leur propre terre. « Bien que nous ne possédions plus de terre, nous continuons à l’aimer et à la défendre contre les violences qu’elle subit. Il faut prendre conscience de cette responsabilité; nous sommes la terre! », conclut-elle. C’est précisément de cette violence transversale, allant de la terre au propre corps, dont tient compte la Recommandation générale de la CEDEF sur les droits des Femmes et des Filles autochtones afin d’y mettre un terme.

Les Femmes autochtones font partie intégrante de la solution contre le changement climatique

Bien que nous ayons été traditionnellement écartées des espaces de décisions, nos contributions en tant que gardiennes de la biodiversité doivent être intégrées au sein de l’action climatique. La Recommandation générale du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDEF, ou CEDAW en anglais) relative aux droits des Femmes et des Filles autochtones est un instrument essentiel pour parvenir à cette fin aux niveaux national et international.

 

La fonte des glaciers de l’Himalaya s’accompagne de pluies torrentielles et d’inondations. L’élévation du niveau de la mer ronge les îles du Pacifique. La sécheresse fissure la terre et assèche les potagers de l’Afrique de l’Est ; les incendies et la déforestation ravagent les arbres d’Amazonie. La crise climatique nous affecte toutes et tous, bien que de façon différente.

 

Nous, les Femmes et Filles autochtones, dépendons de la Terre-Mère pour survivre. C’est elle qui nous prodigue les aliments pour nourrir et soigner nos familles, les matériaux pour construire nos maisons et l’eau pour nous désaltérer et nous laver. Par ailleurs, certaines d’entre nous vivons dans des territoires particulièrement exposés aux phénomènes climatiques extrêmes. « Notre fardeau est multiple, mais notre soutien est crucial », souligne Victoria Tauli-Corpuz de la communauté Kankana-ey Igorot des Philippines et ancienne Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur les droits des Peuples autochtones.

 

Cependant, nous, les Femmes autochtones, avons été traditionnellement écartées des espaces de décision et de la participation aux politiques visant à définir des solutions, établir des stratégies et réunir des fonds pour ralentir le changement climatique. « Bien qu’il y ait eu des avancées ces 40 dernières années, il est nécessaire que nous soyons plus présentes dans les instances internationales pour que nos particularités soient reconnues et que nos compétences soient considérées comme partie intégrante de la solution », réclame Tarcila Rivera Zea, activiste Quechua et présidente du FIMI.

 

Les Peuples autochtones protègent 80 % de la biodiversité de la planète

 

Selon l’ONU, les Peuples autochtones sont les garants de la conservation de 80 % de la biodiversité de la planète et beaucoup de communautés vivent dans des pays dotés d’une très grande diversité. Grâce aux liens spirituels et culturels qu’ils entretiennent avec la terre, les Peuples autochtones sont également les gardiens de la nature et font preuve d’un leadership collectif pour assurer sa protection et sa défense.

 

Dans ce contexte, nous, les Femmes autochtones, jouons un rôle essentiel en tant que gardiennes et praticiennes des savoirs ancestraux, et en tant que sources de nouvelles propositions de durabilité environnementale. « Nous préservons les semences autochtones, la biodiversité, la sécurité alimentaire et le bien-être de nos communautés », explique Naw Ei Min, femme autochtone du Myanmar et membre du comité directeur d’Asian Indigenous Peoples Pact (AIPP).

L’impact du changement climatique et les atteintes à l’environnement dans les territoires autochtones

 

Nous, les Femmes et les Peuples autochtones, devons non seulement faire face aux effets du changement climatique mais également à l’expropriation et à l’exploitation de nos terres et ressources naturelles, de la part de plus en plus de compagnies de l’industrie extractive, sous le prétexte du développement économique.

 

À titre d’exemple, les communautés autochtones du Népal – le dixième pays au monde le plus touché par le changement climatique ces 20 dernières années – sont confrontées à la fonte des glaces de l’Himalaya, qui se produit à un rythme sans précédent. Ce phénomène provoque à son tour un dérèglement dans le cycle des pluies. « Nous ne distinguons plus l’été de l’hiver. Désormais, nous subissons la mousson toute l’année durant, ce qui provoque de graves inondations sur les berges du fleuve où sont établies les communautés autochtones », signale Pratima Gurung, universitaire et militante autochtone du Népal spécialiste des droits fondamentaux des Peuples autochtones, des questions de genre et de handicap, et secrétaire générale de l’Association nationale des Femmes autochtones handicapées du Népal (NIDWAN) et du Réseau mondial des personnes autochtones handicapées (IPWDGN).

 

En outre, l’expropriation des autochtones pour construire des centrales hydroélectriques sur leurs terres et le recours intensif aux pesticides ont contribué à dégrader la quantité et la qualité de l’eau. Cela a des conséquences dévastatrices sur les Femmes autochtones et en particulier sur les Femmes autochtones handicapées. « Le manque d’aliments nutritifs et d’eau potable a des répercussions sur notre santé et notre hygiène. Cela se traduit par une prévalence accrue d’individus souffrant de handicaps divers au sein de nos communautés », ajoute Pratima Gurung. Pour cette raison, elle appelle instamment à prendre en compte non seulement les Femmes autochtones mais aussi en particulier les Femmes autochtones handicapées et à les mentionner expressément dans les accords ayant trait à l’action climatique.

 

Les apprentissages et les bonnes pratiques en faveur du développement durable

 

En Aotearoa (Nouvelle-Zélande) également, les communautés autochtones sont confrontées aux effets des changements climatiques et à la déforestation, qui mettent en péril l’accès à l’eau et aux autres ressources naturelles. Pour relever ces défis, les communautés autochtones d’Aotearoa ont conçu des livres et autres outils numériques à partir des savoirs écologiques traditionnels des Maoris et d’indicateurs de santé bioculturelle, avec l’aide de Tui Shortland, directrice de Awotea Organics, membre du comité directeur de Cultural Survival et spécialiste des connaissances traditionnelles en matière de biodiversité. Les Maoris entretiennent un lien privilégié avec l’eau dès leur naissance. Pour eux, l’eau est un être vivant issu de l’union entre Père-Ciel et Terre-Mère. Grâce à leur combat pour leurs droits, les Maoris ont obtenu que les politiques régionales relatives à la gestion de l’eau tiennent compte de leur cosmovision autochtone. Ces politiques sont désormais plus respectueuses des cycles naturels de l’eau. Cela contribue à protéger l’environnement et la biodiversité des écosystèmes.

 

Par ailleurs, de l’Afrique à l’Arctique, les Femmes autochtones sont pionnières dans le domaine de l’agriculture biologique et de la conservation de l’environnement. À titre d’exemple, Molly Bella Akelo, directrice de Fountain of Life Uganda, et ses compagnes autochtones ont instauré l’utilisation de pesticides et d’engrais biologiques, des méthodes d’irrigation et la culture d’arbres autochtones pour lutter contre la sécheresse.

 

Recommandations pour inclure les Femmes autochtones dans l’action climatique et favoriser leur pleine participation

 

Nous, les Femmes autochtones, demandons instamment notre inclusion et notre pleine participation au processus de prise de décisions et d’élaboration de politiques publiques en faveur de l’action climatique. À cette fin, les Femmes autochtones doivent pouvoir renforcer leur présence dans la Commission de la condition de la femme (CSW66), la session 2022 étant consacrée au changement climatique, ainsi que dans d’autres instances telles que la Conférence des Nations Unies sur le changement climatique. C‘est précisément au sein de ces instances que nous devons être considérées comme des gardiennes de la biodiversité de la planète et que nos contributions et nos savoirs doivent faire partie intégrante de la solution.

 

Parallèlement, il est essentiel que le financement prévu par l’Accord de Paris pour lutter contre le changement climatique parvienne aux Femmes autochtones et à leurs communautés puisque nous faisons face à de nombreux obstacles pour obtenir un soutien financier. Parmi ces obstacles figurent l’utilisation des langues colonialistes et des systèmes bancaires occidentaux, des exigences impossibles à satisfaire pour faire participer nos organisations et mettre en œuvre des programmes, et le manque d’accompagnement.

 

Pour l’ensemble de ces raisons, nous, les Femmes autochtones, nous battons depuis des années pour faire reconnaître nos droits tant sur le plan international que national. Nous nous trouvons désormais dans la dernière ligne droite d’un cheminement collectif dont le tournant décisif réside dans l’élaboration d’une Recommandation générale du Comité sur l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDEF/CEDAW) sur les droits des Femmes et des Filles autochtones. Dans cette recommandation, il sera fondamental d’introduire le principe de justice environnementale afin de garantir nos droits à la terre, aux territoires et aux ressources naturelles. Cela contraindra les États signataires à respecter le principe de consentement préalable, libre et éclairé et à nous prendre en compte dans leurs politiques nationales pour une action publique efficace. « Si on nous laissait occuper la place qui nous revient, le monde serait différent et doté d’une vision élargie, collective, circulaire et diverse », insiste Teresa Zapeta Mendoza du peuple Maya K’iche’ du Guatemala et directrice générale du FIMI.

 

C’est uniquement grâce aux contributions des Peuples et des Femmes autochtones que nous serons en mesure de concevoir un autre monde. Un monde où les forêts et l’eau seraient préservés et où la Terre-Mère serait respectée, un monde où la solidarité l’emporterait sur l’enrichissement personnel, où la communauté l’emporterait sur l’individu, et où la diversité l’emporterait sur l’assimilation culturelle, génératrice de sociétés faussement homogènes.

 

 

Quatre éléments clés pour tirer parti de la CEDEF en tant que Femmes autochtones

Comprendre la CEDEF (CEDAW en anglais), faire jouer l’influence des organisations de Femmes autochtones dans les rapports des États parties et établir des rapports complémentaires, intervenir lors des sessions et promouvoir la Recommandation n39 sur les droits des Femmes et des Filles autochtones : voici quatre étapes fondamentales pour nous approprier cet instrument de changement.

La discrimination gagne du terrain sur nos corps, nos êtres chers et nos terres. Cependant, nous, les Femmes et les Filles autochtones, nous unissons pour lui faire face. Nous avons recours à nos savoirs ancestraux et nous devenons des agentes du changement. Nous luttons contre la violence sexiste ; nous soignons les troubles physiques et spirituels ; nous produisons des aliments et nous réinvestissons la médecine traditionnelle ; nous protégeons la Terre-Mère, les animaux et les plantes car ce sont eux qui nous permettent de vivre en harmonie. Cependant, bien souvent, les savoirs ancestraux et la lutte collective ont besoin d’être encadrés par des instruments de droit internationaux sur lesquels s’appuyer. La CEDEF, dont le respect est obligatoire pour les États l’ayant ratifiée, est un instrument crucial car il vise à ce que les femmes et les filles puissent pleinement exercer leurs droits et leurs libertés fondamentales.

Comment les Femmes et les Filles autochtones peuvent-elles tirer parti de la CEDEF ? Voici quatre éléments clés pour y parvenir.

 

  1. Comprendre ce qu’est la CEDEF : une convention internationale qui exige le respect des droits des femmes et qui les protège contre la discrimination.

La CEDEF est la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. Il s’agit du seul traité international contraignant entièrement consacré à la protection des droits des femmes. Le Comité de la CEDEF se compose de 23 expertes indépendantes des régions Amérique, Afrique, Asie, Pacifique, Europe/Asie Centrale et Moyen-Orient/Afrique du Nord. Il est le destinataire de rapports remis par chaque État, ainsi que de communications émanant d’individus ou de groupes, visant à dénoncer des violations systématiques des droits des femmes. En outre, le Comité est habilité à ouvrir des enquêtes, à condition que l’État concerné y consente.

Ce Comité international formule également des recommandations générales dont la législation nationale ou d’autres cadres doivent tenir compte pour garantir le respect des droits des femmes. La Recommandation générale n39, qui est sur le point d’être adoptée, est consacrée aux droits des Femmes et des Filles autochtones.

  1. Se renseigner à l’avance sur les États dont les rapports seront examinés lors de la prochaine session du Comité de la CEDEF et, si notre pays en fait partie, participer à l’élaboration du rapport.

Pour chacune de ses sessions, le Comité de la CEDEF invite habituellement huit États parties. Le Comité incite les États à consulter les organisations non gouvernementales et les associations de femmes pour élaborer leur rapport. Nous, les Femmes et Filles autochtones, pouvons faire pression sur les États, à travers nos organisations, afin que notre situation soit prise en compte dans ces rapports et que des politiques nationales soient mises en œuvre pour garantir le respect de la Convention.

Si nous n’avons pas été prises en considération dans l’élaboration du rapport d’un État, il est possible de rédiger un rapport complémentaire ou parallèle afin de dénoncer les problèmes rencontrés par les Femmes et les Filles autochtones, relatifs au non-respect de la Convention dans la pratique. Il est également possible d’y mentionner des recommandations spécifiques en vue d’obtenir un changement.

  1. Assister à la session à Genève et plaider pour l’inclusion des Femmes autochtones dans les politiques et les programmes.

Le Comité de la CEDEF invite les ONG à s’exprimer oralement lors des séances publiques. C’est une opportunité à saisir pour les Femmes autochtones. Il s’agit de faire pression, d’exercer une influence sur des personnes ayant un pouvoir de décision afin d’intervenir dans les politiques publiques.

Nous, les Femmes autochtones, maîtrisons l’art du plaidoyer. Nos interventions, riches en récits, en images et en expériences, ont généralement beaucoup d’impact sur l’opinion publique dans de nombreux domaines. Le plaidoyer nous permet de passer de la simple dénonciation à une proposition concrète de solution.

En prenant part aux sessions du Comité, nous, les Femmes et les Filles autochtones, informerons les États des manquements à la Convention subis par nos communautés. En outre, nous apporterons des solutions durables pour résoudre ces problèmes.

Lors de ces sessions, nous pouvons souligner combien il est nécessaire d’adopter une Recommandation générale qui exige des États d’inclure des politiques garantissant nos droits fondamentaux, sur le plan individuel et collectif, en tant que Femmes et Filles autochtones.

  1. Être attentives aux prochaines étapes et réunir encore plus de voix pour promouvoir la Recommandation générale de la CEDEF sur les droits des Femmes et des Filles autochtones.

Nous, les Femmes autochtones, avons lutté et luttons encore pour mettre en valeur nos droits de façon individuelle et collective. Nous pensons que nous obtiendrons davantage de résultats en étant informées et unies. Une fois adoptée, la Recommandation deviendra un instrument stratégique au service de nos revendications. Dans cette optique, des organisations et des réseaux régionaux unissent leurs efforts pour la faire connaître à travers la campagne https://cedaw.fimi-iiwf.org.

Participez-y pour promouvoir l’adoption de la Recommandation générale.

Nous ne sommes pas seules : comment se servir de la Recommandation no 39 pour promouvoir la lutte des Femmes autochtones

Il est important de faire connaître la Recommandation sur les droits des Femmes et des Filles autochtones par divers moyens, de la faire valoir auprès des pouvoirs publics et de la prendre en considération pour appréhender aussi bien nos besoins urgents que nos revendications d’origine plus profonde.

 

Nous avons rencontré Gladys Acosta Vargas, la présidente du Comité de la CEDEF (CEDAW en anglais), lors d’un entretien chaleureux et précieux, au sujet de la Recommandation générale sur les droits des Femmes et des Filles autochtones. Gladys, qui est une alliée de longue date du mouvement des Femmes autochtones, a expliqué que cette démarche consiste en une interprétation des articles de la Convention et de leur caractère contraignant. Une fois cette recommandation adoptée, la capacité de dialogue entre le Comité et les États Parties s’en trouvera renforcée, en vue de garantir le respect de leurs obligations internationales envers les communautés autochtones. Dans ce contexte, Gladys a précisé que : « les Recommandations générales ne visent pas à élargir les droits, puisque ceux-ci sont déjà inscrits dans la Convention ; en revanche elles ont vocation à approfondir la manière de les protéger ».

Selon elle, pour qu’une recommandation soit appliquée efficacement, il faut la faire connaître par tous les moyens possibles : des traductions, des codes, des images, des vidéos. Il est important d’en assurer la diffusion auprès des personnes en situation de handicap, qui doivent être informées des avancées relatives aux droits humains. Au cours de l’entretien, elle a souligné qu’il ne revenait pas seulement aux États Parties d’assurer la diffusion des contenus, mais également aux organisations non gouvernementales de la société civile et aux médias, tant privés que publics.

Les États ne doivent pas seulement assurer la protection des Femmes et des Filles autochtones vivant sur leur territoire, mais également celle des femmes qui sont de passage (migration vers un autre pays ou autre motif) puisqu’il s’agit d’un droit.

Selon Gladys Acosta, pour susciter des changements, il faut avoir recours aux différentes instances du pouvoir public. D’une part, au pouvoir exécutif, car c’est là que sont élaborées les politiques publiques dans tous les domaines, et aux pouvoirs législatif et judiciaire qui lui sont complémentaires. D’autre part, aux autorités régionales et municipales, qui sont les responsables directes des changements à instaurer au niveau local.

À titre d’exemple des actions à mener, elle a expliqué qu’en cas d’atteinte aux droits des Femmes autochtones, il fallait invoquer la CEDEF et les articles pertinents de la Recommandation générale, en expliquant ce que vivaient les Femmes autochtones dans leurs démarches quotidiennes et dans leurs luttes. Ainsi, face aux contradictions et aux controverses, même avec des particuliers, l’État garantira le respect de leurs droits.

À propos de ce genre d’actions, Gladys a ajouté : « La Convention devient un instrument de plus en plus puissant, grâce aux luttes des femmes, sa puissance n’émanant pas de lui-même mais des personnes qui l’invoquent pour en faire un instrument de lutte ». Ses règles étant directement applicables, les organismes de protection, notamment les organisations de Femmes autochtones, doivent apprendre à les manier en vue de leurs luttes à plus ou moins court terme.

Selon la présidente du Comité de la CEDEF, l’adoption de cette Recommandation générale revient à solder une partie de la dette que le monde a contractée envers les Femmes et les Filles autochtones, en raison des atrocités qu’elles ont subies.

Cette recommandation qui voit le jour a été élaborée en dépit des difficiles conditions de travail dues à la pandémie. « Le dialogue a débuté en 2017, et nous allons bientôt l’adopter au cours de l’année 2022, car elle apporte une réponse au combat grandissant des Femmes et des Filles autochtones afin d’être plus visibles sur la scène politique internationale », a-t-elle ajouté.

À la fin de l’entretien, Gladys Acosta a souligné que la Recommandation tenait compte du lien à la terre, du respect des êtres humains et d’une forte spiritualité non seulement pour les Peuples autochtones, mais bel et bien pour le monde entier. Ainsi, cet instrument servira également à défendre nos territoires contre la violence et les pillages.

« C’est une chose de se battre en ayant le droit de son côté, c’en est une autre de se lancer à corps perdu contre une injustice » a déclaré Gladys Acosta. Nos voix commencent enfin à être entendues.